Voici un texte de Michèle Sénécal, qui représente la triste réalité des plus vieux artistes de notre showbiz:
Mémoire courte et sélective
Si la devise du Québec est Je me souviens, les Québécois ont la mémoire courte et sélective. Il aura fallu que Fernand Gignac meure la semaine dernière pour qu’on réalise, qu’encore une fois, on avait oublié que nos vieux artistes.
Ceux qui ont construit les bases de notre patrimoine culturel et télévisuel, tombent presque dans l’oubli total dès qu’ils atteignent 65 ans. Il y avait des années qu’on ne voyait plus Gignac au petit écran. On l’avait oublié. Comme on en oublie plusieurs qui ont pourtant, plein de choses intéressantes à raconter, un talent indéniable et une expertise enviable. On les expédie au grenier à la première occasion. Comme s’ils n’avaient jamais existé ou qu’ils n’avaient rien fait dans leur vie.
On n’a jamais vu, Gignac ou les autres du même acabit, faire la ronde des talk-shows. Ils ne sont jamais invités chez Guy A. Lepage, Eric Salvail, Véro, France Beaudoin, les Kiwis ou tout autre émission du genre. Il y a environ 3500 noms dans le bottin de l’Union des Artistes et pourtant, on voit toujours les mêmes.
Certains ont même jusqu’à trois téléséries en même temps. Ils prennent tout le gateau et ne laissent rien. Même pas des miettes. Il serait temps qu’on se réveille et qu’on fasse le ménage dans nos vieilles idées et nos préjugés. Au Québec, 300 artistes gagnent décemment leur vie, les autres végètent et restent de parfaits inconnus. Le milieu joue dur.
Les Américains et les Européens vénèrent leurs has-been. En France, Catherine Deneuve, France Gall ou Johnny Halliday sont encore des dieux qu’on invite régulièrement à différentes émissions. Aux U.S.A., il n’est pas rare de les voir à l’animation d’un talk-show ou à titre d’invités. On les aime, on leur dit et on les dorlotte. On leur fait de la place et on ne leur laisse jamais penser qu’ils seraient temps qu’ils laissent la place aux autres. Ici, tout le monde est assis sur un siège éjectable.
C’est bien beau donner la chance aux jeunes qui chantent en s’émoustillant, s’égousillant, le visage en grimaces, les veines sorties du cou pour en arriver à monter la note, tout en avalant leurs mots, mais ça devenit ennuyeux pour le téléspectateur. Et pourtant, on déroule le tapis rouge partout devant eux.
Les Québécois devraient avoir honte d’avoir une mémoire aussi courte et aussi sélective et faire un bon examen de conscience. Ils devraient surtout, mettre leur maudit snobisme de côté. Arrêtons d’attendre que les artistes soient sur leur lit de mort pour se rappeler qu’ils sont notre héritage culturel.
On a un tas d’artistes qu’on ne voit jamais à la télé et c’est bien dommage.
Source: http://www.planete.qc.ca