Bonjour!
Avant de voir le nouvel épisode de TLMEP et les multiples excuses de son animateur par rapport à la nouvelle tourmente entourant son émission, je vous propose ce sondage. Si vous vous êtes absentés de la planète-Québec lors de la dernière semaine, ou alors si vous avez été atteints par la grippe aviaire, voici le texte de VLB à l'origine du litige, ainsi que la réponse de Guilla. Bonne lecture!VLB:
Du fascisme Victor-Lévy BeaulieuL'auteur est écrivain.
Au Moyen-Âge, prétend-on, le bon peuple aimait bien la Sainte Inquisition en autant qu'il n'en était pas lui-même la victime. Quand l'Église brûlait une sorcière, le public était toujours nombreux sur la place publique pour assister à son exécution, car cette représentation violente de la mort qu'on lui donnait confinait au théâtre : on allait au bûcher comme on allait au spectacle, la mise en scène y était fort habilement menée et les acteurs principaux, les condamnés à mort, étaient toujours à la hauteur du rôle qu'on les forçait à jouer.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que si la télévision avait existé au Moyen-Âge, les bûchers auraient occupé le premier rang pour ce qui regarde les cotes dites d'écoute ainsi que c'est le cas dans notre monde prétendument moderne et civilisé avec une émission comme Tout le monde en parle, que plus d'un million et demi de téléspectateurs regardent tous les dimanches.
Guy A. Lepage y joue à merveille le rôle du Grand Inquisiteur : bien qu'il se donne l'allure du baron de Du Guesclin, il ressemble à un jésuite qui, pour mieux tromper son monde, s'est fait un cache-couilles de son col romain.
Guy A. Lepage a quelque chose aussi de Ponce Pilate qui, sur son banc de juge, jouait toujours à l'innocent, ce qui lui permettait de s'en laver les mains avant comme après les exécutions qu'il préparait et conduisait machiavéliquement.
Le bon peuple y prenait plaisir, puisque Ponce Pilate paraissait lui donner le droit de déterminer si l'accusé était coupable ou non et, dans le cas qu'il l'était, de prononcer lui-même la sentence de mort.
Évidemment, les procès menés par Ponce Pilate n'étaient que des simulacres de la justice, le Grand Inquisiteur prouvant chaque fois qu'il était un expert dans l'art de piper les dés pour mieux arriver au résultat qu'il escomptait, c'est-à-dire faire condamner par la populace un individu dont on voulait se débarrasser.
Arcanes nauséabonds Voilà donc ce à quoi je pensais ce dimanche soir-là que Guy Fournier est passé devant le tribunal de Guy A. Lepage. Quelle naïveté chez un homme aussi rompu aux arcanes nauséabonds d'une télévision qui consent à tout du moment qu'il y a beaucoup de monde pour s'y rincer l'oeil!
En acceptant l'invitation de Tout le monde en parle, Guy Fournier ne pouvait ignorer qu'il s'y ferait piéger, puisque l'animateur a seul le droit de regard sur la mouture finale : en s'arrogeant le privilège de cisailler dans les entrevues qu'on lui donne pour n'en retenir que ce qui lui plaît, Lepage se comporte comme un fasciste, aussi bien dire comme les officiers de la Gendarmerie royale du Canada le font quand ils décident de se débarrasser d'un individu dont la tête ne leur revient pas : on triture son témoignage, on donne comme preuves ce qui n'est que oui-dire et ragots, on confie à de sales délateurs prêts à vendre père et mère le soin de faire d'un innocent un coupable qui mérite donc tout le mal qu'on pourra lui faire... en toute impunité.
Bien sûr, dans Tout le monde en parle on se contente de rire de celui dont on obtient la tête. C'est généralement Dany Turcotte, dit le Fou du roi, qu'on charge de cette odieuse besogne. Si Turcotte ne paraît que faire semblant d'y être le débile de service, il le fait avec tant d'empressement et de bonne volonté qu'on peut finir par croire que cette débilité-là, il la porte véritablement en lui.
Turcotte joue le rôle le plus honteux que l'on puisse jouer à la télévision, celui du coupe-jarret, celui de l'exécuteur des basses oeuvres d'un Guy A. Lepage dont l'ego est à ce point devenu grand que toute critique de son émission constitue un crime de lèse-majesté.
Comme on sait par ailleurs, les critiques de notre télévision étant plutôt des liche-majestés, ce n'est donc pas demain qu'on sortira du bois! (...)
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Réponse de Guy A.:Une grave accusation Guy A. Lepage
Dans une lettre ouverte samedi dernier, Victor Lévy-Beaulieu m'a traité de fasciste et de Grand Inquisiteur, m'accusant d'utiliser mon plateau de télévision tel un bûcher.
En tant que féru du Moyen-Âge, je sais que le Grand Inquisiteur avait une mission, confiée par le Roi ou le Pape, et devait donner apparence de justice tout en servant ses maîtres. Je n'ai pas de maîtres cher Victor, Dieu vous en déplaise! Je suis un contractuel, engagé annuellement par des patrons qui ne peuvent rien d'autre que me congédier s'ils ne sont pas satisfaits de moi, et c'est un scénario qui ne m'effraie pas du tout car je me verrais mal poursuivre un travail dans la contrainte et les contrariétés.
Je suis privilégié d'animer une tribune qui permet à des gens d'émettre des opinions et à d'autres, d'y réagir. À la suite d'une entrevue, que l'invité sorte grandi ou diminué ne changera strictement rien pour moi si les sujets incontournables ont été abordés car j'aime mieux être surpris agréablement par un invité dont je ne partage pas les vues, que réconforté (puisque les mots médiévaux vous fascine tant) par un vassal obséquieux.
À ce Machiavel que j'ai lu au cégep et auquel vous m'associez, je vous répondrai qu'au contraire, je suis plutôt instinctif et pragmatique. Je déteste les gens qui calculent, qui manigancent et qui complotent. J'ai un tel mépris envers ce genre d'individu qu'aucun d'eux n'a le droit de travailler avec moi. Si quelqu'un de mon équipe disait " On va se payer VLB ", par exemple, il serait immédiatement congédié.
Mener Guy Fournier au bûcher, m'accusez-vous? Quelle idée saugrenue! Pour un moqueur comme moi, quel plaisir de voir le président du Conseil d'administration d'une télé publique parler de bestialité libano-hétérosexuelle ainsi que du plaisir jouissif de faire caca. Je trouve ça, à la fois immensément rigolo et immensément provocateur, et pour moi ce sont deux belles qualités. C'eût été Jacques Languirand qui en aurait parlé dans son émission de radio, ou Jean-Claude Germain dans une chronique que le sujet serait déjà clos. Ce sont les éditorialistes, les journalistes politiques et les politiciens qui ont condamné Monsieur Fournier, pas nous! Nous, on s'est juste bidonné! Que faire d'autre devant tant de surréalisme?
Au Moyen-Âge, le Grand Inquisiteur voulait gagner ses causes. Je n'en ai pas ou si peu. Je suis un séparatiste qui ne milite dans aucun parti. En attente d'un pays éventuel, je vis dans un autre pays quand même fort agréable. La politique ne m'attire pas, je n'ai pas l'esprit compétitif, ma morale est élastique et je déteste l'injustice. Voilà vous savez tout de moi. Je sais aussi que Dany Turcotte n'est pas un imbécile, loin de là, c'est un homme d'une grande vivacité et d'une grande humanité et je n'aime pas non plus que vous méprisiez les téléspectateurs qui regardent mon émission.
Divagation coutumièreM'accuser de fascisme est beaucoup plus grave. Des avocats se régaleraient de vous si je leur en donnais la possibilité, ce que je ne ferai pas évidemment. Puisque je revendique le droit de dire ce que je veux et que je laisse mes invités dire ce qu'ils veulent sur mon plateau sans jouer le rôle de censeur, car j'exècre le baîllon, je vais donc vous laisser proférer ce que vous voulez avec votre divagation coutumière.
Cependant, je vais vous rappeler qu'un fasciste est un partisan de l'autorité conservatrice (!), réactionnaire (!), qui impose son pouvoir. Puisque le fasciste est associé directement au nazi, au phalangiste et autre despote, et qu'à mon sens rien de cela ne me convient, je tiens juste à préciser qu'il n'y a rien de plus pathétique qu'un écrivain qui ne connaît pas le sens des mots.
Personnellement, je crois qu'on m'a offert les guides de Tout le monde en parle parce que je suis non-aligné. Les individus m'intéressent plus que les causes, les dissidents plus que les conformistes. J'anime cette émission et en assume le montage avec souci et respect, cherchant à ne jamais trahir les propos de l'invité et en lui donnant toujours la chance de boucler son argumentaire.
Je l'ai fait depuis le début avec équité, autant avec Hubert Reeves et Véronique Cloutier, que Raël et Alfonso Gagliano. Incidemment, il n'y a que ceux qui ont refusé de passer à notre émission qui se plaignent du montage. Les 370 invités qui ont accepté notre invitation par le passé n'ont pas encore manifesté leur déception en public. Bizarre non?
Notre émission vous déplaît? C'est votre droit et j'aime que les gens manifestent leur dissidence. Cela dit, cher Victor, continuez à nous faire parvenir vos nouveaux ouvrages, en plusieurs exemplaires, comme vous le faites assidûment depuis maintenant deux ans. Mais si ce n'est pas pour être invité sur notre plateau, pourquoi le faites-vous donc?
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L'auteur anime l'émission Tout le monde en parle. Il réplique ici à un texte de Victor-Lévy Beaulieu intitulé Du fascisme publié le 30 septembre dans La Presse.