La radio, arme de propagande à Gaza
Diaa Hadid et Ibrahim Barzak
Associated Press
Gaza, Bande de Gaza
La lutte de pouvoir entre le Hamas et le Fatah ne se manifeste pas seulement par des combats de rue à Gaza. Les deux factions rivales palestiniennes utilisent également la radio pour diaboliser l'autre camp et mobiliser leurs partisans, une propagande qui fait redouter une exacerbation des violences interpalestiniennes.
Certains craignent que les influentes radios militantes, qui utilisent une rhétorique violente et sont capables de rassembler rapidement des sympathisants armés dans la rue, ne plongent Gaza dans une véritable guerre civile. «Si nous le voulions, nous pourrions brûler Gaza», assure Ibrahim Daher, directeur de Radio Aqsa, une station du Hamas.
La situation est déjà très tendue dans le petit territoire, théâtre d'une lutte de pouvoir entre les deux factions depuis que le Hamas, victorieux aux élections législatives du 25 janvier 2005, domine le gouvernement et le Parlement (Conseil législatif). Les combats sont fréquents. Le 11 décembre, les enfants d'un responsable de la sécurité fidèle au Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas ont été tués, et la vague de violences qui a suivi a fait 17 morts.
Durant cette période, Radio Aqsa et Radio Chabab, du Fatah, ont rendu compte des événements à Gaza et donné la parole à leurs auditeurs et dirigeants pour leur permettre d'injurier leurs adversaires.
Sur Radio Chabab, des auditeurs téléphonant à la station ont qualifié les combattants du Hamas de tueurs d'enfants, référence à l'attaque du 11 décembre, ou de mollahs, allusion aux liens étroits du Mouvement de la résistance islamique avec le régime iranien.
Radio Aqsa a rarement fait état des attaques meurtrières des miliciens du Hamas contre des membres du Fatah. Et a souvent présenté les combattants du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, comme des escadrons de la mort mercenaires et des comploteurs de coup d'État.
Un responsable du Hamas a même traité ses rivaux de sionistes, accusation pouvant être synonyme d'arrêt de mort à Gaza. Une autre fois, un auditeur d'Aqsa a affirmé à tort que des miliciens du Fatah tiraient sur leurs propres sympathisants à Khan Younès.
«Les radios jouent l'incitation», reconnaît Ibrahim Daher. «Il n'y en a pas de neutre à Gaza.» Malgré tout, les stations assurent ne pas chercher à monter les Palestiniens les uns contre les autres.
Ibrahim Abou Naja, chef d'un comité de médiation qui a amené le Hamas et le Fatah à officiellement cesser les combats, voit les choses autrement. «Nous sommes conscients du rôle majeur joué par les radios pour susciter des tensions et des combats», dit-il. Il souligne leur avoir demandé plusieurs fois de faire preuve de retenue.
La radio joue traditionnellement un rôle important à Gaza, qui compte 15 stations pour 1,4 million d'habitants, offrant des services essentiels. L'une des émissions les plus populaires met en relation téléphonique des prisonniers détenus en Israël avec leurs proches, ce qui donne lieu à des conversations poignantes et à des moments d'émotion intense.
Plus récemment, la radio s'est révélée un outil efficace dans la lutte contre Israël. En novembre, Radio Aqsa est passée à l'action après qu'Israël eut ordonné à un commandant du Hamas d'évacuer sa maison qui devait être bombardée dans les 15 minutes.
La station a appelé la population à se rassembler autour du bâtiment pour former un bouclier humain. La foule est montée sur le toit et l'habitation a été épargnée. Une stratégie utilisée depuis pour sauver d'autre maisons.
Pendant la récente accalmie des violences interpalestiniennes, consécutive à la trêve de la mi-décembre, les radios ont modéré leur discours. Mais alors qu'aucune solution politique n'est en vue, elles pourraient bientôt se trouver au coeur d'une nouvelle bataille.
Source: http://www.cyberpresse.ca