Voici un texte de Martin Pouliot concernant le métier de journaliste versus celui de commentateur.
Je suis en accord avec lui et vous?
***
Le bon, la brute, le truand et... le caméraman !
Lors de l’émission tout le monde en parle de dimanche dernier, le journaliste de Radio-Canada Guy Gendron, en réponse à une question de l’animateur, s’est avancé sur un sujet qui me touche particulièrement, à savoir le rôle du commentateur versus celui d’un journaliste.
En gros, il soutient que Jean-René Dufort n’a pas beaucoup de crédibilité dans le milieu puisque les gens du business le considèrent comme un clown. À ce titre, il est donc inoffensif. Par ailleurs, toujours dans la ligne argumentaire de Guy Gendron, Stéphane Gendron, le maire de Huntingdon, serait plus dangereux parce qu’il n’a aucune retenue dans son rôle de commentateur de l’actualité. Un commentateur devrait faire usage de rigueur au même titre que tout journaliste.
Guy Gendron n’est pas le seul à le croire. La fédération Professionnelle des Journalistes du Québec est du même avis, comme l’indique distinctement l’article 1 du code de déontologie de la FPJQ. Vous constaterez que la FPJQ ratisse large dans sa définition de journaliste.
1. Définition
Dans ce Guide le terme "journaliste" réfère à toute personne qui exerce une fonction de journaliste pour le compte d'une entreprise de presse. Exerce une fonction de journaliste la personne qui exécute, en vue de la diffusion d'informations ou d'opinions dans le public, une ou plusieurs des tâches suivantes : recherche de l'information, reportage, interview; rédaction ou préparation de compte rendus, d'analyses, de commentaires ou de chroniques spécialisées; traduction et adaptation de textes; photographie de presse, reportage filmé ou électronique; affectation, pupitre (titrage, mise en pages...), correction des textes; dessin de caricatures sur l'actualité; dessin et graphisme d'information; animation, réalisation ou supervision d'émissions ou de films sur l'actualité; direction des services d'information, d'affaires publiques ou de services assimilables.
Je ne suis pas d’accord avec la définition inclusive de la FPJQ.
Dans ce métier, il existe plusieurs rôles qui ne sont pas soumis aux mêmes règles.
J’en vois au moins quatre qui se démarquent du reste.
Il y a les journalistes, les chroniqueurs, les éditorialistes et les commentateurs/ animateurs. Ces emplois ne sont pas régit par les mêmes règles parce qu’ils ne remplissent pas le même rôle. Le journaliste rapporte ce qu’il voit. Il a donc un devoir de rigueur exemplaire quant aux faits rapporté. Il doit s’abstenir de toute teinte personnelle dans la livraison des informations observées. Le chroniqueur fait comprendre, il a donc une certaine latitude afin de servir l’objectif qu’il poursuit, c'est-à-dire faire progresser la nouvelle, clarifier son contexte, l’amener à un autre niveau, ouvrir certaines questions connexes. L’éditorialiste se prononce sur l’actualité, avance une opinion sur un événement, on ne devrait donc pas s’attendre à cette illusoire neutralité au sujet de laquelle se gargarisent tant de pseudo spécialistes et néophytes… Et le commentateur / animateur doit servir de catalyseur entre les autres professions de l’information. Il est parfois un clown qui se sert de l’actualité pour donner un spectacle… mais également pour captiver l’attention de l’auditoire. Il sert de point d’encrage entre l’auditoire et la nouvelle.
On devrait peut-être également parler des caricaturistes, qui se trouvent à mi-chemin entre les éditorialistes et les commentateurs… comme eux, le caricaturiste se sert de l’actualité. Il la tord au point de frôler la malhonnêteté dans certains cas, mais c’est tolérable puisque le tout est teinté d’humour. Le tout tinté d’humour, bien entendu.
Lorsque l’on comprend le rôle très différent de chacun de ces emplois, peut-on réellement exiger la même chose de l’un et de l’autre ? Je crois que c’est une illusion que la FPJQ et, indirectement, que Guy Gendron, participe à maintenir. Elle a la vie dure, cette illusion. Elle puise sa vigueur dans une source intarissable puisqu’elle est ancrée dans l’imaginaire populaire et, plus solidement encore, dans celui de l’intelligentsia médiatique, au même titre que la sacro-sainte neutralité journalistique. Rien de plus difficile à déraciner.
Un commentateur est payé pour dire ce qu’il pense alors qu’un journaliste est payé pour rapporter ce qu’il voit. Si, en théorie, on doit exiger la même rigueur chez l’un comme chez l’autre, je pense que la nature différente du travail de chacun rend cet exercice caduc. À moins bien entendu que l’on ne veuille dire, par rigueur, l’attente justifiée que chacun donne le meilleur de lui-même. Je supporterais cette clarification. Mais, plus simple encore, il est un aspect de leur travail que je crois non négociable et beaucoup plus facile à défendre que la neutralité : l’honnêteté intellectuelle.
Source: le blogue de Martin Pouliot du http://www.cfom1029.com