Nouvelle poursuite contre Pierre Mailloux?
Christiane Desjardins
La Presse
(avec Le Nouvelliste)
Un an et demi plus tard, on surfe encore sur la vague provoquée par la déclaration du Doc Mailloux sur l'intelligence des Noirs. Un homme vient de s'adresser à la Cour supérieure dans l'espoir d'obtenir la permission d'intenter un recours collectif contre Pierre Mailloux, Radio Canada, l'animateur Guy A. Lepage, et les coproducteurs de l'émission Tout le monde en parle.
Erwin Gordon, d'origine haïtienne mais qui vit au Canada depuis 29 ans, se propose d'agir comme représentant de la communauté noire du Québec dans ce recours.
Dans la requête déposée au palais de justice de Montréal, ce père de deux enfants raconte avoir été profondément perturbé par la déclaration du «Doc» Mailloux à l'émission Tout le monde en parle, le soir du 25 septembre 2005. En fait, il soutient avoir cru le «Doc» sur parole, quand il a dit que des études démontraient que l'intelligence des Noirs était légèrement et même nettement inférieure à la moyenne.
«Confus, votre requérant n'a pas douté au tout début de la véracité de ces informations, puisque M. Mailloux est un psychiatre, donc sûrement bien informé, écrit M. Gordon dans sa requête. L'homme explique qu'à partir de ce constat, «toutes sortes d'idées pessimistes lui sont venues à l'esprit.»
Ainsi, il a pensé en lui-même que si les Noirs sont moins intelligents, cela affecte toutes les sphères de leur vie. Il s'est demandé comment aboutir à quelque chose dans la vie en partant désavantagé face à la majorité blanche.
Puis, il s'est dit que s'il n'était pas égal, cela ne servait à rien de faire des efforts. Il a pensé à ses enfants, qui, forcément, partaient désavantagés dans la vie eux aussi. Il s'est demandé pourquoi la télévision publique de Radio-Canada pouvait se permettre de diffuser une «telle cruauté», alors qu'elle devrait aider à renforcer la confiance en soi des enfants plutôt que de la miner. Heureusement, M. Gordon ne s'est pas laissé emporter dans ce tourbillon négatif trop longtemps. «Très tôt, il prit graduellement de la perspective en rapport avec cette émission et n'accepta plus la vérité d'une telle déclaration», peut-on lire dans sa requête.
M. Gordon raconte avoir discuté avec des membres de la communauté noire, et avoir ressenti un «profond désarroi» chez eux, ce qui lui fit ressentir à lui une forte colère face à la désinvolture de Radio-Canada.
Il n'était pas au bout de ses peines car il allègue qu'un «tourment intérieur constant s'est installé, qui lui causa entre autres de l'insomnie et qui risquait d'affecter à la longue sa santé psychologique et physique.
«Il fallait qu'il trouve une façon positive et constructive, pour sa famille et sa communauté, de canaliser cette colère et de soulager le stress intérieur profond.»
C'est pourquoi il a décidé de se tourner vers la justice dans le but de demander réparation exemplaire par le biais d'un recours collectif. Si celui-ci devait être autorisé, il compte réclamer rien de moins que 24 millions et demi de dollars, à être distribués entre les oeuvres de bienfaisance de la communauté noire du Québec.
Pierre Mailloux, lui, est clair sur un point : n'importe qui peut bien intenter une poursuite de plusieurs millions de dollars contre lui, il continuera de bien dormir le soir. En fait, le psychiatre estime que le plaignant dans cette histoire n'a pas bien compris l'essence de ses propos tenus à Tout le monde en parle.
«S'il s'est senti personnellement concerné à ce point, c'est qu'il n'a pas bien écouté, a-t-il confié au Nouvelliste. Je parle de moyennes qui sont citées dans des études américaines. Les moyennes disent certaines choses. Maintenant, si vous placez un Noir à côté d'un Blanc, ça ne veut pas forcément dire que le Noir est moins intelligent, lance-t-il. J'ai cité des études qui servent pour enseigner en psychoéducation à l'Université de Montréal. Pourquoi enseigner cela à nos étudiants s'il faut ensuite le cacher à la société? Ça n'a aucun sens», a-t-il soutenu.
Pierre Mailloux espère par ailleurs être réinvité à Tout le monde en parle afin qu'on lui laisse le temps nécessaire pour expliquer clairement ces études. «Si j'avais su que (Guy A.) Lepage m'entretiendrait de ce sujet, je me serais préparé en conséquences. Là, les attaques arrivaient de partout. Je n'ai jamais dit plus de trois phrases sans être interrompu par Mitsou, Dan Bigras ou même Lepage», se souvient-il.
Source: http://www.cyberpresse.ca