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 Accommodements journalistiques selon Jean-René Dufort

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MessageSujet: Accommodements journalistiques selon Jean-René Dufort   Accommodements journalistiques selon Jean-René Dufort EmptyVen 27 Avr - 0:44

Accommodements journalistiques selon Jean-René Dufort

Marc Cassivi

La Presse

Je rencontre Jean-René Dufort au Caffe Della Posta, rue Bernard. L’animateur de l’émission matinale de CKOI, Du jus et Dufort, est en pause estivale d’Infoman, qu’il anime avec brio depuis 7 ans. Ce qui ne l’empêche pas d’observer de son regard particulier l’actualité quotidienne. Discussion sur les médias.

Marc Cassivi: Tu me sembles être la personne tout indiquée pour parler des médias. Surtout que tu n’as plus de carte de presse…

Jean-René Dufort: Les médias, l’information, le journalisme, tout ça c’est mon sport national. Ça m’intéresse beaucoup, surtout de la manière dont ça se transforme ces temps-ci. Mais le débat à savoir si je suis ou pas journaliste, je m’en câlisse et je m’en suis toujours câlissé. Je n’ai pas la prétention de faire de l’information de haute qualité. Je fais une émission que j’aime faire. Si les gens s’abreuvent à ça, tant mieux. Si c’est seulement pour se divertir, ça me va aussi. Ce n’est pas à moi de déterminer la quantité d’information contenue dans mon émission. Je prétends qu’il y a très peu d’information à CNN. À chacun son opinion.

M.C.: Les journalistes en général ne sont pas très forts sur l’autocritique. Ce que je remarque, c’est qu’alors qu’il y a quelques années, on se posait des questions sur l’information-spectacle en te pointant du doigt, aujourd’hui, ce sont les médias traditionnels qu’on accuse. Je pense aux nouvelles de TVA qui ont accueilli une candidate du Banquier. C’est grave…

J.-R.D.: Moi je ne trouve pas.

M.C.: Tu ne trouves pas?

J.-R.D.: Je trouve que cet exemple-là est tellement évident, tellement grossier, que n’importe qui peut voir que ce n’est pas de l’information. Ce que je trouve plus grave, c’est de voir à CNN ou Fox des acteurs engagés pour lire la pièce écrite par le tueur de Virginia Tech. Ça n’a pas de bon sens! Où est la limite? C’est non seulement de l’information-spectacle, mais c’est disgracieux. On parlait de TVA, mais à la radio de Radio-Canada, on a fait entendre les coups de feu de la tuerie, enregistrés par un téléphone cellulaire. Pas n’importe quels coups de feu. LES coups de feu. Est-ce que c’est pertinent?

M.C.: Les médias perdent souvent cette mesure-là.

J.-R.D.: Quand ils me prennent comme mascotte de l’information-spectacle, j’ai envie de leur dire qu’ils choisissent la mauvaise mascotte. Je suis comme la tache de rouille en surface. Ils devraient vérifier la rouille en dessous de la peinture. C’est elle qui va faire en sorte que la carrosserie va tomber en ruine. Moi, j’ai un nez de clown.

M.C.: Le cadre de ton émission fait en sorte qu’on sait à quelle enseigne tu loges. Tu fais une autre forme d’information qui n’est pas du journalisme traditionnel. Les gens, comme tu dis, ne sont pas dupes de ça. Ils n’assimilent pas tes reportages à ceux du Point. Par contre, quand dans le cadre d’un bulletin de nouvelles traditionnel, on accorde une importance démesurée à une concurrente de jeu télévisé, je trouve qu’on se trompe.

J.-R.D.: C’est évident que c’est pour faire des cotes d’écoutes. Ce qui serait intéressant, ce serait d’interdire la publication des cotes d’écoutes des bulletins de nouvelles.

M.C.: Je suis d’accord avec toi. C’est une bonne idée.

J.-R.D.: On n’aurait plus cette compétition malsaine, qui est complètement illogique en information.

M.C.: C’est désolant que ce critère-là ait une quelconque incidence sur la qualité de l’information.

J.-R.D.: Je trouve ça indécent, et je trouve que ça pousse les rédactions à faire des conneries. Tous les patrons de télé du monde pensent de la même façon: il faut que ça fasse des cotes d’écoute. Si les cotes d’écoute baissent, qu’est-ce que ça prend? Des reportages plus «hot». Le journalisme n’est plus au service de l’information, mais au service des cotes d’écoute. C’est un débat qui devrait davantage intéresser les journalistes que la question de savoir si je suis journaliste ou pas.

* * *

M.C.: C’est intéressant que tu fasses remarquer que les cotes d’écoutes n’ont pas leur place dans les bulletins de nouvelles. Je pense à la dernière soirée électorale. Je ne veux pas m’acharner sur TVA…

J.-R.D.: Il font du très bon travail, somme toute, en information.

M.C.: C’est vrai. Mais l’image de Pierre Bruneau et de Claude Charron se félicitant du faux-pas de Bernard Derome est assez symptomatique, à mon avis, des effets pervers de la compétition en information.

J.-R.D.: On s’est beaucoup moqué de ça à Infoman. J’ai montré l’image de Bernard Derome qui annonce la défaite de Charest, puis celle de Pierre Bruneau qui disait «rigueur, rigueur, rigueur», et celle de Bruneau annonçant la mort d’Huguette Proulx. On peut triompher, mais avec modestie. On a chacun nos moments moins glorieux. Il faut toujours se rappeler, quand on tire des roches, qu’on a une maison de verre.

* * *

J.-R.D.: Au Québec, on est tellement un petit village qu’on a le syndrome de la syncope. Dès qu’on trouve une nouvelle, on est en syncope pendant deux ou trois jours, jusqu’à ce qu’il y ait une autre nouvelle pour qu’on recommence. Pendant la fameuse «crise» des accommodements raisonnables, j’avais envie de faire une réunion de province. Les médias ont foutu le bordel pour rien. Faire la une avec «Ils n’ont pas mis de jambon dans la soupe aux pois!», c’est débile. Ça allume le feu de paille pour rien.

M.C.: Avec cet exemple précis, il y a une dérive médiatique épouvantable.

J.-R.D.: J’aurais aimé voir une institution comme le Conseil de presse dire à tous les médias d’être responsables. Je suis allé à Hérouxville avec Infoman. J’ai ri pendant une demi-heure. Il y avait huit coupoles-satellites de télévision, en direct du parc de l’église. Il n’y avait rien qui se passait! C’est un exemple de «quand on n’a pas de nouvelle, on en crée une de toutes pièces».

M.C.: Avec les conséquences qu’on sait…

J.-R.D.: La somme de toutes les nouvelles sur les accommodements raisonnables a fait en sorte que le bordel a failli «pogner» dans la province. Dans le climat de syncope actuel, il n’y a pas un rédacteur en chef de télé, de radio ou de journal qui va laisser passer une «nouvelle de hidjab» en page 23 ou la sacrer à la poubelle. Ça va ouvrir le bulletin et faire la une du journal. Les médias donnent l’impression qu’il y a plus d’accommodements que jamais. Ce n’est pas vrai. C’est la saveur du jour.

M.C.: Je trouve qu’on n’a pas beaucoup mis en cause la responsabilité des médias dans ce délire des accommodements raisonnables. Le soi-disant débat que TVA a organisé autour de la question, animé par Paul Arcand, était l’une des pires dérives médiatiques que j’ai jamais vues. Personne n’a pris la peine d’expliquer ce qu’était un accommodement raisonnable, et on a laissé des gens peu informés débattre de tout et de n’importe quoi. J’ai une formation juridique. L’accommodement raisonnable, on apprend ça en deuxième année d’université. On a voulu faire d’un concept juridique très simple le symbole d’une crise identitaire.

J.-R.D.: La dérive, ç’a été de travestir l’idée de l’accommodement raisonnable pour accuser les «maudites ethnies». La question qu’il faut se poser, c’est: «Est-ce que ça brime quelqu’un?». Est-ce qu’il y a un Québécois qui a dû manger sa soupe aux pois sans jambon? Des fois, les médias sont tellement ridicules que je me dis que ne pourrai jamais faire mieux à Infoman. J’ai assisté à une conférence de presse d’André Boisclair à l’UPA. Il y a un journaliste très sérieux qui a demandé à Boisclair et au président de l’UPA, après l’histoire de la cabane à sucre: «Est-ce que vous pensez que le jambon dans la soupe aux pois est un incontournable?». Je n’ai pas assez de talent pour faire mieux que ça! Il faut être humble face à une telle performance. André Boisclair a répondu que les gens étaient en droit d’avoir des attentes raisonnables de manger du jambon quand ils vont à la cabane à sucre. Je me suis demandé si j’étais vraiment en train de vivre ce moment-là!

M.C.: J’ai eu la même réaction en voyant la une du Journal de Montréal sur le droit de voter masqué. Paul Arcand en a rajouté en proposant que les gens votent avec des masques de Youppi et de Darth Vader. Il n’y a jamais personne dans la communauté musulmane qui a demandé de voter le visage voilé. On a fait d’une question théorique une incitation à bousiller les élections.

J.-R.D.: J’aurais envie de faire laminer cette une-là du Journal de Montréal. Il y avait une photo d’un gars qui ressemblait à une momie ou un grand brûlé qui s’en allait voter. Toutes ces histoires-là démontrent une chose: c’est qu’on est à ce point heureux au Québec qu’on a besoin de s’inventer des histoires débiles tellement on ne sait plus quoi faire. Si on allait à l’étranger leur parler de cette histoire de vote masqué, on nous prendrait pour des malades. Le Québec, c’est une province de malades. Mais Dieu sait que je n’irais pas vivre ailleurs tellement on se fait du fun!

Source: http://www.cyberpresse.ca
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