FRANÇOIS BOURQUE : Le retour d’Arthur
http://www.cyberpresse.ca/article/20070502/CPSOLEIL/70502274/6553/CPSOLEIL
André Arthur a passé sa vie d’animateur de radio à dire que le Québec était un « pays de cul » et sa capitale, une ville qui « pétait plus haut que le trou ».
Voici qu’il reprend le micro à la Radio touristique, une station dont la vocation est justement de promouvoir Québec auprès des touristes et des citoyens.
On devrait peut-être s’en surprendre. Mais avec André Arthur, on ne se surprend plus de rien. Y compris des volte-face et des contradictions.
M. Arthur dira que ce n’est pas la région qu’il méprisait mais ses acteurs politiques, ses institutions et surtout ses élites.
Pendant qu’il pourfendait les uns, il en célébrait d’autres, des citoyens, des entreprises, amis et partenaires d’affaires. L’animateur était capable du meilleur et du pire. Un homme curieux, cultivé, intelligent et tenace ; communicateur exceptionnel ; vulgarisateur enthousiaste ; défenseur généreux de la veuve et de l’orphelin.
Mais, en même temps, un bourreau de mauvaise foi, incapable du moindre fair-play. L’arbitre tendancieux d’un monde qu’il divisait entre les bons et les méchants, sans nuances et sans appel.
Sa paranoïa exacerbée lui faisait voir partout des complots et complicités qui n’existaient pas toujours.
Il avait une habileté féroce à semer le doute et les insinuations sur la probité des uns et des autres, sans toujours avoir la force de le dire clairement et surtout de le prouver.
Lorsqu’il a perdu son dernier micro à CKNU, on avait déduit que les propriétaires de stations ne voulaient plus prendre le risque de poursuites et que c’était la fin de sa carrière radio.
Depuis, il s’était contenté de conduire des autobus, de prêter sa voix à la publicité et de se faire élire député.
Le voici de retour sur la bande FM à partir du 14 mai.
Le directeur général de la Radio touristique, Jacques Saint-Hilaire, lui confie des entrevues avec des acteurs de la vie touristique de Québec qui ont des choses à raconter.
On l’entendra 30 minutes par jour et aussi en rediffusion. André Arthur est un « prosélyte du voyage, il en mange », explique M. Saint-Hilaire, qui compte sur sa recrue pour donner « plus de vie » à la station, augmenter l’auditoire et atteindre la rentabilité.
M. Saint-Hilaire n’a pas l’intention de « censurer » son animateur. Depuis qu’il est député, André Arthur n’a « pas changé radicalement », mais son « angle est plus large », perçoit-il.
Le risque ? Pas très élevé. Les sujets seront choisis conjointement et les entrevues seront préenregistrées. Les parties peuvent mettre fin à l’entente à tout moment.
André Arthur annonce ses couleurs: il ne fera pas d’entrevue avec le 400e, avec les ministres ou l’Office du tourisme et des congrès de Québec.
« Je ne peux pas travailler avec des acteurs touristiques qui sont d’une incroyable incompétence, qui servent la même petite gang autour du Château et du Vieux-Québec. Si j’interviewe un restaurateur de Sainte-Foy, ce sera difficile de passer à côté de ça », prévient-il.
La ligne éditoriale se profile déjà. L’industrie touristique revisitée à la façon Arthur, à travers ses idées, ses valeurs, ses rancœurs. Ça promet pour le 400e.
Le code de déontologie des parlementaires à Ottawa n’empêche pas André Arthur d’exercer sa profession au micro et d’en tirer un revenu. C’est tout à fait légal.
La Radio touristique de Québec lui a offert un pourcentage sur les ventes de publicité pendant ses émissions. Quel pourcentage ? « Pas de vos affaires », dit le député. C’est une « transaction privée ».
Il fut un temps où l’animateur de radio se serait scandalisé qu’un élu lui serve cette réponse. Mais avec André Arthur, on ne peut plus se surprendre de rien.